Le lent processus de déchristianisation, de laïcisation et de sécularisation de l'époque moderne




Il s'agit d'un effritement de l'intérieur qui n'est perçu de l'extérieur que progressivement et, je dirais même, bien souvent en retard.

On peut le décrire en mettant à la base du processus une montée du "subjectivisme" ( le "sujet pensant" de Descartes: "Cogito, ergo sum" ) qui s'affirme en exaltant la liberté de foi d'abord, puis, ensuite, la liberté de la raison et, enfin, la liberté de la personne.

Liberté de foi

L'amorce du processus se fait au XVIe siècle.

Il se manifeste au temps de Luther.

On revendique le droit de lire la Bible et de l'interpréter à la lumière de son expérience personnelle.

La Révélation est encore admise de tous. La société en est une qui garde ses références chrétiennes.

On est en face d'un schisme à l'intérieur de l'Eglise.

Liberté de la raison

C'est la tendance qui prend la relève au XVIIIe siècle. Comme on l'a déjà souligné, cette tendance vise à faire ressortir l'autonomie de la connaissance et de la raison.

C'est maintenant un refus de se référer à la Révélation, de référer au Christ.

On va garder la religion, on va croire en Dieu, mais il s'agira d'un théisme ou encore d'un déisme. Les philosophes anglais s'en feront les promoteurs.

Le surnaturel demeure comme point de référence.

On pourrait caractériser cette phase comme une phase de déchristianisation.

Liberté de la personne

Au XIXe siècle, surtout après 1848, apparaît la tendance libérale qui se développe. En France Lamennais et Montalembert essaient de faire entrer ces nouvelles valeurs dans l'Eglise, leur combat sera vain.

Dans ses expressions plus radicales , le libéralisme entraîne, purement et simplement, une négation du surnaturel

Cette phase, douloureuse pour l'Eglise, fait apparaître le monde moderne que nous connaissons. C'est un processus de laïcisation et de sécularisation. L'agnosticisme et l'athéisme font leur entrée dans la société et les institutions. Dans certaines contrées, comme en Italie, la Franc-Maçonnerie jouera un grand rôle

Il est bon de retenir de ce long processus de déchristianisation, de laïcisation et de sécularisation qu'il amène une véritable révolution des idées, de la pensée, des valeurs et des institutions. Il se déroule de façon imperceptible aux acteurs, bien souvent, mais il sera irréversible.



L'Eglise dans le monde moderne

Que devient l'Église devant ces changements sociaux qui s'accélèrent au lieu de s'arrêter? l'Eglise doit s'adapter à la société autour d'elle?

Cette question avait déjà été posée au XIXème siècle d'une façon brutale et prophétique par Félicitée de Lamennais (1782-1854) qui y apportait une réponse positive dans son ensemble. Ses opinions furent condamnées d'abord en 1832 pour leurs "excès" par Grégoire XVI dans Mirari vos , puis en 1834 celui-ci revint à la charge et condamna Les paroles d'un croyant dans Singulari vos comme nous l'avons déjà dit

Le Père Le Guillou o.p. fait le jugement suivant (que j'accepte et fait mien volontiers):

"Avec une conscience quasi prophétique de l'évolution historique et de la dynamique sociale qui emporte le monde, Lamennais avait senti merveilleusement la façon de penser du monde moderne et sa structure d'action. Il avait compris que les conditions de la présence de l'Eglise au monde nouveau qui s'élaborait étaient la liberté, l'indépendance et la pauvreté. On ne peut que constater que la déchristianisation' du monde ouvrier coïncide tragiquement avec la condamnation des idées mennaisiennes ( article Lamennais dans Dictionnaire de spiritualité col. 154)

Malgré les condamnations, la question de l'adaptation de l'Eglise dans le monde va continuer de se poser dans tous les domaines: pastoral, dogmatique, scripturaire, social. elle va susciter de durs affrontements, des scissions mêmes et beaucoup de résignation dans certains cas (Dites qu'ils ont souffert à propos des intellectuels soupçonnés de modernisme comme le Père Lagrange et Blondel). Elle trouvera sa réponse lorsque le virage sera pris complètement avec la Constitution sur l'Eglise dans le monde de ce temps de Vatican II.

Le P. Louis Le Guillou termine son article sur Lamennais en écrivant:

"Oui, il a fallu attendre - quelque soit le jugement qu'on porte sur le fait - trois quarts de siècle pour avoir, bon gré, mal gré, dans la tourmente et la douleur, la séparation de l'Eglise et de l'État. Il a fallu un siècle et demi pour qu'à travers les terribles crises renanienne et moderniste soit reconnu par le Concile Vatican II la liberté religieuse, et pour que Pacem in terris affirme l'importance du droit naturel". (Ibidem col. 155)





Mise à jour le 8 janvier 2001

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