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Un Monde Sans Argent : Le Communisme
IV. Au-Delà Du Travail



RÉPARTITION DES TÂCHES

A défaut de buter sur la paresse notre société ne risque-t-elle pas de sombrer dans le désordre ? Même si la bonne volonté est générale, est-ce que cela suffira à régler la question de la coordination de l'ensemble des activités ? Tout le monde ne va-t-il pas se précipiter vers le travail agréables et délaisser les autres avant que les machines n'aient eu le temps de prendre le relais ? En bref, chacun n'en faisant qu'à sa tête tous iraient à la catastrophe !

L'idée suivant laquelle la société moderne est très complexe et que cette complexité est inévitable est très répandue. Ce n'est pas une simple illusion. L'individu se sent perdu dans la jungle capitaliste. Il n'arrive pas à s'y repérer lui-même et encore moins à comprendre comment l'ensemble arrive à fonctionner. C'est une erreur de croire que cette impression est valable dans toute société moderne. Elle n'est pas engendrée nécessairement par le multitude des opérations et des situations qui constituent l'ensemble social. Elle naît de l'éloignement entre le décision et la coordination d'une part et l'action d'autre part.

Cette impression de complexité et d'égarement permanent qu'engendre la société capitaliste s'est répercutée sur les descriptions d'un monde socialiste. On en est arrivé à croire que le principal problème à résoudre dans la société future serait celui de le planification et le la coordination. On a imaginé une "usine du plan" qui se chargerait de recenser l'état de l'économie, de déterminer les coefficients techniques oui lient la production d'un produit à la production d'un autre produit : quantité de charbon nécessaire pour produire une tonne d'acier, par exemple. Cette usine proposerait dos objectifs réalisables et s'occuperait des révisions nécessaires en cours d'exécution. Les problèmes de la société future sont vus essentiellement sous l'angle de la gestion. ( Chaulieu, Socialisme ou Barbarie No. 22 )

La société communiste aura bien des problèmes techniques complexes à résoudre. Seulement ces questions ne relèveront pas d'une instance particulière. Il n'y a pas d'intérêt à essayer de prévoir les formes que prendra l'activité humaine mais à déterminer son contenu. Il n'y aura pas à unifier ou a gérer ce qui ne sera pas séparé. Le producteur particulier s'occupera autant de son activité que de sa liaison a l'ensemble des besoins et des possibilités générales.

Dans la société révolutionnaire les rapports entre les hommes et entre les groupes de producteurs seront simples et transparents. La peur de la concurrence qui oblige au secret disparaîtra. L'important n'est pas que chacun arrive à la science universelle et que chaque cervelle soit une "usine du plan" en réduction. A quoi sert de savoir d'où provient le minerai dont on a tiré ma fourchette ! Ce qui compte c'est que les informations nécessaires circulent et soient disponibles.

Dans une société fluide où auront disparu l'esprit de clocher et le patriotisme d'entreprise, où les gens seront polyvalents, les individus et les groupes s'orienteront en fonction des besoins de la société.

Les nécessités sociales ne s'imposeront pas de l'extérieur par l'intermédiaire d'un office central : comité dictatorial ou assemblée démocratique. L'individu ou le groupe ne devra pas se plier à la conscience qu'il aura de la situation si l'on imagine cette conscience comme le simple reflet d'impératifs extérieurs. On agira bien sûr en fonction de sa conscience des besoins et des possibilités sociales mais non indépendamment de ses propres goûts. Souvent il n'y aura pas de compromis à faire. On ressent comme besoin social d'abord ses propres aspirations. On est plutôt tenté de remédier à ce que l'on perçoit comme un manque. Si j'ai de mal à me procurer du vin et que cela me manque je n'aurai pas forcément besoin d'aller me renseigner sur les courbes de production auprès d'un ordinateur pour savoir qu'il faudrait peut-être aller s'occuper des vignobles !

L'homme communiste ne séparera pas l'exercice de ses goûts de leur répercution sociale. Il ne va pas se précipiter vers des tâches dont on s'occupe déjà. De toute manière il serait stupide de penser que tout le monde sera uniformisé et s'emballera au gré des modes pour les mêmes occupations.

La conscience de ce qui sera nécessaire à la société sera beaucoup plus aiguisée que maintenant. Tout le monde pourra s'informer et sera capable de comprendre ce qui marche et ce qui ne marche pas, même si cela n'a pas des répercutions directes sur chacun. Les ordinateurs seront des instruments essentiels à la circulation et à l'interprétation des informations.

L'organisation générale de la société ne nécessite pas un ou des centre directeurs. Il y aura peut-être des gens qui s'occuperont plus particulièrement de rassembler des informations, de prévoir, mais ils n'auront pas à élaborer un plan su sens impératif du terme. Planifier c'est vouloir enchaîner le futur au présent !

La coordination ne pourra être le fait d'une caste donnée. Elle s'effectuera sans cesse et à tous les niveaux de la société. Les hommes n'étant plus séparés par mille barrières, se concerteront spontanément.

Tout ne se fera pas forcément en douceur. Des conflits seront inévitables. Mais le problème de la révolution n'est pas de débarrasser la société de tout conflit, d'engendrer une société où tout serait harmonisé à priori. Certaines formes de conflits seront éliminées bien sûr, celles qui opposent les classes, les nations... Dans la monde que nous voulons les oppositions ont autant de place que les accords. L'harmonisation et l'équilibre s'élaboreront à travers des débats et des disputes.

La différence fondamentale avec la situation actuelle c'est que chacun n'engagera dans la bataille que ses propres forces. On ne pourra évoquer des droits abstraits détachés du monde des oppositions et des rapports de force concrets. Le recours à un corps spécial comme l'armée ou la police pour faire reconnaître le bon droit de sa cause ne sera plus possible.

Le communisme fera du conflit une chose normale et même nécessaire à condition évidemment que l'intérêt de l'enjeu ne soit pas inférieur aux dommages provoquée. Le capitalisme est profondément conflictuel. Il est fondé sur l'opposition entre les classes, les nations et les individus. Tout le monde est en opposition à tout le monde. C'est pour conjurer cette réalité que l'on prêche l'amour béat et la fraternité. L'agressivité sourde partout mais l'image de la paix doit régner. Si jamais on s'étripe ce n'est pas au nom d'intérêts particuliers mais pour le bien de la civilisation, des valeurs universelles etc.

Ne risque-t-on pas de perdre beaucoup de temps en bavardage et en conflits ? En ramenant les problèmes de coordination et d'ajustement au niveau où ils se trouvent on risquerait plutôt d'en gagner. L'idée que le temps est une chose qui peut se perdre ou se gagner est en soi assez étonnante.

Du point de vue communiste le problème ne peut se ramener à savoir quelle méthode économise le plus de temps. Ce qui importe c'est la manière dont on remplira ce temps. Prendra-t-on ou non du plaisir et de l'intérêt à discuter et à harmoniser, ou préfèrera-t-on se contenter d'appliquer sans discussion les décisions d'un comité directeur qui aura programmé l'absence de heurts ? Les hommes réapprendront à se parler et à polémiquer de façon plaisante. Les discussions fastidieuses seront limitées par l'ennui des interlocuteurs mais aussi par le simple fait que tout ne sera pas sens cesse à remettre sur le tapin. On s'appuyer sur l'expérience passée.



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