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Un Monde Sans Argent : Le Communisme
IV. Au-Delà Du Travail



PRODUCTION ET ÉDUCATION

La séparation entre la vie productive d'une part et l'éducation d'autre part n'est pas la fruit de la nécessité. Elle ne trouve pas sa raison d'être dans l'importance croissante du savoir â ingurgiter. Ou plutôt si, mais il faut comprendre alors pourquoi il est nécessaire que le savoir ne soit plus le fruit direct de l'expérience.

Le fondement de cette scission c'est que le prolétaire ne doit pas pouvoir s'occuper de lui-même, de son plaisir ou de sa formation, alors qu'il produit. Cette séparation essentielle à la survie du monde de l'économie est d'un coût très élevé. Il entraîne l'immobilisation d'une importante partie de la population dans les écoles, les centres d'apprentissage professionnel, les universités qui pourrait se rendre utile ailleurs et s'y amuser plus. Il ne permet pas une bonne adaptation des capacités humaines aux besoins des activités auxquelles il doit mener. Cette formation en bocal se voit complétée par un apprentissage sur le tas qui s'effectue souvent clandestinement.

L'école est présentée comme un service publique au-dessus des classes sociales. Son utilité serait incontestable. Qui aurait l'audace de se faire l'apôtre de l'ignorance ? Des esprits éclairés osent s'en prendre au contenu de l'enseignement. Ils lui reprochent d'être archaïque, d'être séparé de le vie, d'être un facteur de subversion. Suivant les goûts les bambins devraient apprendre à lire dans les Saints Evangiles, le Manifeste Communiste ou le Kamasutra !

Duc extrémistes commencent à s'en prendre a l'école elle-même. Ce n'est pas au nom de sa néfaste efficacité mais au nom de son inefficacité. On s'en prend à l'école pour mieux sauver la pédagogie.

Il faut apprendre et toujours apprendre. Ingurgiter cette pâtée insipide que l'on appelle la culture. Le monde est si complexe ! Vous ne comprenez pas ? Alors il faut aller vous faire recycler.

Jamais les gens n'ont autant appris, jamais ils n'ont été aussi ignares en ce qui concerne leur propre vie. Ils sont submergés, assommés par la masse des informations que déversent l'université, les journaux, la télévision. La vérité ne sortira jamais de l'accumulation du savoir marchandise. C'est un savoir mort et incapable de comprendre la vie parce que sa nature profonde est justement de s'être détaché de l'expérience et du vécu.

L'école c'est le lieu où l'on apprend à lire, à écrire et à calculer. Mais l'école c'est surtout l'apprentissage du renoncement. On y apprend à supporter l'ennui, à respecter l'autorité, à réussir contre les copains, à dissimuler et à mentir. On y sacrifie le présent sur l'autel du futur.

Le communisme c'est la décolonisation de l'enfance. Il n'y aura plus besoin d'une institution particulière pour l'éduquer. S'inquiète-t-on de savoir comment les enfants feront pour apprendre à lire ? Il faudrait s'inquiéter avant de savoir comment ils apprennent à parler.

L'école dissocie et inculque la dissociation entre l'effort ou l'apprentissage et son besoin. Ce qui importe c'est que l'enfant apprenne à lire parce qu'il faut apprendre à lire et non pour satisfaire sa curiosité ou son amour des livres. Le résultat paradoxal c'est que si elle a fait reculer l'analphabétisme elle a en même temps étouffé le goût et la capacité véritable de lire chez la plupart des gens. Dans la société communiste l'enfant apprendra à lire et à écrire parce qu'il ressentira le besoin de s'instruire et de s'exprimer. Le monde enfantin n'étant pas séparé du reste de la vie sociale ce sera pour lui une nécessité impérieuse d'apprendre. Il le fera aussi naturellement que pour la marche ou la parole. Il ne le fera pas uniquement par ses propres forces. Il trouvera ses parents ou des aînés plus savants que lui pour l'aider. Les difficultés qu'il rencontrera lui seront utiles. En les surmontant il apprendra à apprendra. En ne recevant pas le savoir comme une nourriture prédigérée de la main d'un éducateur, il prendra l'habitude de voir et d'entendra, il deviendra capable d'élaborer des connaissances et de faire des diductions à partir de son expérience. Ce sera la revanche du vécu sur la programmation scolaire ou extra-scolaire des êtres humains.

Les hommes partageront leurs expériences et se communiqueront leurs connaissances. Les lieux, le moment qu'ils choisiront le seront pour leur commodité. La forme de la relation ne sera pas déterminée à priori. Elle dépendra du contenu de l'échange et du savoir réciproque des intéressés sur le sujet en question. N'en déplaisent aux fanatiques de la pédagogie active si 10 ou 10000 personnes attendent de savoir ce qu'un seul individu connaît le plus simple sera de réinventer le cours magistral.

L'intérêt moderne pour la pédagogie exprime ce fait pue la méthode ne s'impose pas à partir d'un contenu déterminé. Lorsque l'on a plus rien à se dire, que le contenu de l'enseignement est devenu interchangeable, alors on discute de la façon de se le dire. C'est lorsque la soupa est mauvaise que l'on s'intéresse a l'allure de l'assiette.

Que se passerait-il dans le monde de la production capitaliste si soudain les travailleurs avaient vraiment le droit d'expérimenter et n'étaient plus jugés sur leur rentabilité immédiate ? Très vite ils risqueraient d'oublier pourquoi on les a embauchés. Ils dériveraient d'expérience en essai et d'essai en expérience. N'avant rien à fiche da la production ils risqueraient vite d'abandonner le rendement pour la recherche de leur propre plaisir. La joie de la découverte et l'enivrement de la liberté remplaceraient la routine et la répétition. Les contacts qui se développeraient entre les travailleurs sous le prétexte d'améliorer la production par l'échange des expériences risqueraient de prendre une autre direction. Pourquoi ne pas céder aux joies grisantes du sabotage collectif, pourquoi ne pas organiser des jeux, pourquoi ne pas réorganiser ou détourner la production dans des voies directement profitables aux travailleurs ?

Le principe du salariat empêche que l'on puisse faire confiance aux travailleurs pour se soumettre aux nécessités d'une production qui ne le concerne pas. Les plus aliénés, les plus bosseurs, les plus serviles des salariés ne pourraient même pas être retenus sur cette voie glissante. On ne peut laisser un ouvrier disposer de lui-même dans le cours de la production. Instrument il faut le traiter en instrument. Qu'on le laisse s'occuper de lui-même et il y prendra goût se dressant contre le capital qui la nie en tant qu'être humain.

La division capitaliste entre production et apprentissage a des limites.

Il est impossible de dissocier complètement la production, l'éducation et l'expérimentation. La production, le travail le plus stupide exige une certaine adaptation du travailleur et la capacité de faire face à une situation non programmée. De même l'éducation la plus abstraite doit ce concrétiser à travers certains "produits", ne serait-ce qu'une copie d'examen. Les nécessités du contrôle fait de l'extérieur retombe sur la production.

L'élève n'est pas une cire molle sur laquelle s'imprimerait du savoir. Il ne pourrait rien apprendre si il restait complètement passif. L'apprentissage ne peut se dégager complètement de l'expérimentation et de la production, même si il se sépare de la sphère économique proprement dite. L'école sert à fournir un cadre limitatif et un contenu à cette activité et à la déconnecter de la vie réelle. L'enseignement fonctionne et se perpétue grâce aux principes qu'il refoule. Cela vaut pour l'apprentissage de la lecture ou de la dissertation. Ainsi cette dernière est la négation même de la communication. L'élève doit apprendre à s'exprimer par écrit, indépendamment de se qu'il aurait à dire et indépendamment de ceux auxquels il s'adresserait. C'est un exercice complètement creux. Si l'élève arrive cependant à écrire, il y est obligé, ce ne peut être qu'en y mettant une certaine forme de communication. De même que l'ouvrier qui est obligé de travailler ne peut effectuer son travail qu'en y participant jusqu'à un certain point. Il ne peut jamais être un simple exécutant, une machine.

Le système de la production s'effondrerait si les travailleurs ne pouvaient plus expérimenter, s'entraider, se conseiller. L'organisation hiérarchique du travail ne veut survivre que si ses règles sont bafouées en permanence. Elle impose un cadre indépassable à ces illégalités et à l'activité spontanée des travailleurs pour les empêcher de se développer et de devenir réellement dangereuses et subversives.



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