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Un Monde Sans Argent : Le Communisme
VII. Insurrection et Communisation



RUPTURE

Entre le capitalisme et le communisme il n'y a pas une phase de transition mais une phase de rupture où les révolutionnaires doivent chercher à appliquer des mesures irrémédiables.

Certains regrettent la mercantalisation et l'industrialisation de toute la vie sociale. Ils voudraient bien que ça change mais veulent rester raisonnables. Ils en appellent aux autorités en place ou à leurs oppositions officielles pour promouvoir des changements. Surtout ils voudraient que les choses se transforment dans l'ordre. Pour eux l'irruption des masses sur la scène de l'histoire ne peut entraîner que le plus inextricable désordre.

Ils voudraient démercantiliser progressivement l'économie en développant les services publiques et les biens gratuits. Le travail salarié serait réduit et à côté se développeraient de nouvelles activités productives moins inhumaines.

Les plus audacieux prévoient à terme la disparition de la marchandise et du salariat.

C'est toujours le même espoir de pouvoir utiliser et museler le capital. La même illusion est propagée par ceux qui veulent conserver le salariat tout en éliminant les différences de salaire ou en faisant du salaire la juste rémunération de la pénibilité du travail.

Le capital est fondamentalement expansionniste et impérialiste. C'est pour ça qu'il tend à s'emparer de toute la vie sociale. Un secteur non marchand fonctionnant à côté du système marchand serait vite remercantilisé. Ou il resterait un loisir et un jeu dépendant complètement du capital comme le bricolage actuel, ou il prendrait de l'importance et sa production circulerait et alors il réinventerait pour lui-même le capitalisme. Il y aurait décomposition de l'intérieur et assaut de l'extérieur. Les producteurs "libres", les artisans de fin de semaine qui continueraient à être prisonniers d'un mode de vie bourgeois chercheraient tout naturellement à tirer un revenu de leur production parallèle pour arrondir leurs fins de mois.

Doit-on compter sur le pouvoir politique pour soutenir une telle "révolution" ? C'est oublier sa dépendance à l'égard de l'économie. C'est opposer au totalitarisme marchand le totalitarisme étatique.

Peut-on compter sur uns transformation des mentalités ? C'est croire que le mercantilisme est d'abord une perversion de l'esprit. Les mentalités seront ce que leur permettra d'être la situation.

On ne peut pas avoir un pied dans le monde nouveau tout en gardant la main sur son porte-feuille.

Ces conceptions réformistes ne comprennent rien à la nécessité d'une rupture globale et à la nature de l'activité prolétarienne révolutionnaire. Elles ne voient pas que c'est dans la situation et l'activité de la classe des dépossédés que se trouve l'adversaire véritable du système marchand. On croit pouvoir prendre des mesures contre le capital parce que on le considère comme une chose dont il faut limiter la puissance et non comme un rapport social.

Le capital peut s'amuser à libérer l'activité humaine et à démercantiliser en apparence. Il vend une vie nouvelle dans ses clubs de vacances, on paie pour ne pas avoir à payer. Les nouveaux systèmes de paiement tendent à éviter le contact direct et oppressant avec l'argent. Tout cela manifeste le besoin et la possibilité du communisme, mais aussi la nature récupératrice, vampiriste et mensongère du capital.

Le système marchand est un tout. Il sera abattu comme un tout. On ne peut pas communiser les uns après les autres des secteurs que l'échange a intimement liés. Croit-on de toute façon que l'on pourrait limiter le champs d'intervention d'une insurrection ?

Justement les mesures "anti-marchandes" qui viseraient à restreindre temporairement ou à rendre moins visible l'action du capital ne pourraient avoir pour but que de dissuader ou d'enrayer une insurrection. Quelle que soit la bonne volonté ou même la semi-compréhension de ceux qui les proposent, elles ne pourront servir qu' à la contre-révolution.

Dans une période insurrectionnelle les révolutionnaires devront s'appliquer à dénoncer les mesures faussement radicales et à précipiter le cours des choses. Bien souvent leurs actions seront dénoncées non pas franchement comme étant révolutionnaires mais comme des excès par ceux qui se déguiseront en révolutionnaires pour mieux combattre la révolution.

La solution aux problèmes importants que posera la rupture brusque avec l'économie marchande reposera avant tout sur l'organisation conseilliste de la production et de la distribution des biens. Les discriminations dues à la rareté des produits ne seront plus établies par l'argent mais dans cette phase intermédiaire par les conseils et comités de "consommateurs" qui veilleront à répartir en fonction du meilleur usage possible. Le danger est de croire que l'on pourrait établir un système mixte pour s'éviter des difficultés.

Les conseils auront à régler des problèmes difficiles mais ils sont la seule force capable de les régler.

Pour permettre et soutenir l'organisation conseilliste il faudra que l'aile marchante de la révolution concentre ses forces sur certains points stratégiques. Elle devra détruire ce qui permettrait la survie ou le redémarrage du vieux système.

Le système banquaire et financier devra être détruit dans ses fondements matériels. Il faudra s'attaquer aux établissements et brûler les livres de compte, les papiers et archives. Tout ce qui peut ressembler à un moyen de paiement devra être exterminé.

Il faudra paralyser la machine d'état. Cela ne signifie pas tant livrer un assaut frontal au centre du système que détruire ses multiples tentacules. L'état a des ramifications partout. C'est sa force et sa faiblesse.

Il faudra s'attaquer à tout ce qui permet de contrôler les gens et d'abord aux papiers d'identité de toute catégorie. Il faudra se livrer une chasse aux fichiers étatiques ou privés. A part quelques pièces d'intérêt révolutionnaire ou historique il faudra détruire les archives et papiers administratifs de toute sorte.

La prise en main des prisons et la libération des prisonniers, y compris des prisonniers politiques, sera à l'ordre du jour. Voilà qui ne rassurera pas les braves gens. Toute la pègre du jour au lendemain sur le trottoir. Les prisons ne sont-elles pas remplies d'affreux gangsters et d'horribles tueurs ?

En fait, la plupart des prisonniers sont des prolétaires qui ont voulu en s'attaquant à la marchandise et à la propriété sortir de leur condition. Ce ne sont pas pour la plupart des petits saints ou de généreux révolutionnaires. Mais la raison de leurs agressions s'évanouit avec la disparition du système actuel. Ils sauront dans leur écrasante majorité mettre leur talent au service de la révolution.

Et la pègre ? Généralement les truands ne sont pas sous les verrous. Ils sévissent parfois même avec la complicité de la police. Les tueurs ? Souvent ils ont la loi pour eux. Certains se trouvent même à la tête des états.

La libération des prisonniers exceptera les crapules et les contre-révolutionnaires notoires. La fin de la marchandise, l'organisation de milices armées permettront de réduire le nombre des éléments malfaisants.

Ces différentes mesures ne peuvent être menées dans n'importe quel contexte et n'importe quel rapport de force. Mais elles sont une nécessité impérieuse pour les révolutionnaires et les anti-étatistes.

Les comités charriés de la distribution des biens pourront chercher à rallier les petits commerçants et les gérants, et à utiliser leurs locaux. Si ces catégories sociales montrent leur capacité à se reconvertir, cela sera tant mieux. Si ils résistent et cherchent à rester propriétaires de leur stock et de leur boutique il faudra se passer d'eux. Dans le cas où les marchandises qu'ils détiennent seront importantes et nécessaires il faudra les saisir. De toute façon leur pouvoir est limité car il suffit de couper leur approvisionnement à la source.

La publicité pourra être reconvertie en une anti-publicité. Il s'agira d'informer sur les caractéristiques et la fabrication des produits, sur l'état des réserves, d'inciter à la modération.



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